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Télétravail : inégalités hommes / femmes
Les constats de l'étude coordonnée par Anne Lambert, sociologue à l'Institut national d'études démographiques (Ined) et publiée dans la revue Population et Sociétés, sont sans appel : le télétravail a accentué les inégalités de genre de manière importante et persistante. Parmi les travailleurs actifs au 1er mars 2020, 30% ont été mis à l'arrêt deux mois après, tandis que 70% ont continué à travailler. Toutefois, selon Anne Lambert, "alors que trois hommes sur quatre ont réussi à conserver leur emploi deux mois après le début du confinement, seulement deux femmes sur trois ont pu en faire autant".
Cette différence s'explique en partie par l'inégalité salariale entre hommes et femmes, ainsi que par le fait que les femmes sont souvent celles en charge des soins et de l'éducation des enfants. Dans les couples où il n'était pas possible de maintenir les deux emplois, les femmes ont été les premières à sacrifier le leur pour s'occuper des enfants.
En outre, il y a moins de femmes que d'hommes en télétravail qui ont accès à une pièce isolée, comme un bureau ou une chambre non partagée. Cette différence est frappante : 41% des hommes en télétravail disposent d'une telle pièce, contre seulement 25% des femmes dans la même situation.
Caroline Closon, chercheuse en psychologie du travail à l'Université libre de Bruxelles qui se penche sur la relation entre vie professionnelle et vie privée, souligne que l'organisation des tâches domestiques, éducatives et logistiques a un impact sur la productivité ou la disponibilité professionnelle, en faveur des hommes et au détriment des femmes. Cette tendance persiste même dans les couples où la femme gagne autant ou plus que l'homme. Dans ces cas-là, les tâches domestiques sont simplement externalisées à des nounous et des femmes de ménage, mais les hommes ne s'impliquent pas plus dans leur exécution.
Ce constat s'aligne sur une observation informelle que de nombreux individus ont faite : à la fin du premier confinement, les femmes semblaient plus désireuses de retourner au bureau que les hommes, car cela leur permettait d'échapper au chaos et à la superposition de la charge mentale et des sollicitations professionnelles. À l'heure actuelle, dans nos sociétés, la généralisation du télétravail pourrait certainement représenter une régression pour la position des femmes dans le monde économique.
© Quasar Lille
Pour aller plus loin :
Enquête Coconel
Anne Lambert, ined, Population & société, juillet 2020
Rapport sur l'état de l'égalité de genre
Caroline Closon, ULB, octobre 2020
Une chambre à soi
Virginia Woolf, Le livre de poche, septembre 2020
Enquête sur la fusion du travail et de la vie
A.Lacroix, Philosophie Magazine, novembre 2020