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La Tyrannie du mérite
Selon Michael J. Sandel, philosophe américain, l'idéologie méritocratique est l'un des principaux responsables de la colère populaire grandissante dans nos sociétés modernes. Cette idéologie postule que la réussite matérielle dépend de l'effort et de la persévérance. Dans son livre La Tyrannie du mérite, Sandel montre comment la méritocratie a conduit à mépriser, exclure et invisibiliser politiquement les classes laborieuses, créant ainsi une crise de reconnaissance et d'estime sociale dans une partie des sociétés occidentales.
Sandel affirme que l'ambition de chaque individu n'est pas seulement de consommer mais de contribuer au bien commun et de recevoir une reconnaissance en retour. Selon lui, l'augmentation de la colère populaire est due à l'idéologie méritocratique qui suggère que la réussite financière est uniquement basée sur l'effort et la persévérance. Dans son livre "La Tyrannie du mérite", il expose comment cette idéologie a engendré un mépris, une exclusion et une invisibilité politique envers les classes laborieuses, créant ainsi une crise de reconnaissance et d'estime sociale dans les sociétés occidentales.
Cette culture de l'effort promeut l'idée que les détenteurs de diplômes prestigieux sont les gagnants de la mondialisation, car ils ont travaillé dur depuis leur jeune âge. L'orgueil de cette classe dominante dévalue implicitement les moins fortunés, en leur laissant entendre qu'ils n'ont pas fait les efforts nécessaires pour réussir, aussi bien à l'école que dans la vie.
D'après Sandel, la méritocratie est une fiction créée par les gagnants de la mondialisation afin de justifier les inégalités économiques grandissantes. Selon cette idéologie, il suffit de travailler dur pour obtenir une place dans une bonne université, obtenir un diplôme prestigieux et ainsi accéder à une position socialement élevée. Pourtant, cette vision ignore les difficultés et les obstacles qui entravent l'ascension sociale des travailleurs non diplômés, qui sont alors blâmés pour leur sort et méprisés. En résulte une crise d'estime sociale, amplifiée par une invisibilisation politique des classes laborieuses.
Selon Sandel, la méritocratie ne repose sur aucun fondement philosophique solide, et les grands penseurs du libéralisme, tels que John Rawls et Friedrich Hayek, ont toujours rejeté l'idée que les individus méritent les récompenses du marché en échange de leurs efforts et de l'exercice de leurs talents. Il existe au moins deux raisons à cela : d'une part, nous ne sommes pas responsables de nos dispositions ou aptitudes, ni du fait que la société les valorise ; d'autre part, la méritocratie ne peut jamais être un idéal juste. Peut-être est-il temps de revoir notre manière de penser ?
© Quasar Lille
Pour aller plus loin :
La Tyrannie du mérite
Michael J. Sandel, Albin Michel, 2021